La Cour suprême suit l’avis du MPF et rejette la thèse du « cadre temporel »

La décision devrait débloquer l’avancement de plus de 200 procédures judiciaires dans le pays

Ricardo Motta

9/21/20233 min read

Autochtones Makuxi / Fabio Rodrigues Pozzebom / Agência Brasil
Autochtones Makuxi / Fabio Rodrigues Pozzebom / Agência Brasil

Lors de la session tenue ce jeudi (21), la Cour suprême fédérale (STF) a annulé, par neuf voix contre deux, la thèse du cadre temporel dans la démarcation des terres autochtones au Brésil. Avec la confirmation de cette décision, le critère de l’occupation traditionnelle sera désormais établi — position défendue par le Ministère public fédéral (MPF) — et servira de référence pour 226 affaires judiciaires portant sur des controverses similaires, actuellement suspendues dans les tribunaux du pays.

La thèse du cadre temporel soutenait que les peuples autochtones ne pouvaient revendiquer que les terres qu’ils occupaient le 5 octobre 1988, date de la promulgation de la Constitution fédérale.

La décision a été rendue dans le cadre du Recours extraordinaire 1.017.365, Thème 1.031, déposé par la Fondation nationale des peuples autochtones (FUNAI) contre une action de reprise de possession introduite par l’Institut de l’environnement de Santa Catarina (IMA). L’organisme d’État avait obtenu gain de cause en première instance grâce à l’application du critère temporel, ce qui lui permettait de récupérer une zone de la Réserve biologique de Sassafrás, dans la municipalité de Benedito Novo (SC). Cette région, occupée par le peuple Xokleng, chevauche un parc d’État, mais avait déjà été identifiée comme partie intégrante d’une terre autochtone.

En formant la majorité, la Cour suprême a accepté le recours de la Funai et rendu la possession de la région aux Xokleng, fondée sur la notion d’occupation traditionnelle et historique du territoire, rejetant ainsi la thèse du cadre temporel. En raison de la répercussion générale du sujet, le même critère sera appliqué à toutes les affaires similaires dans le système judiciaire.

Les ministres Edson Fachin (rapporteur), Alexandre de Moraes, Cristiano Zanin, Luís Roberto Barroso, Dias Toffoli, Luiz Fux, Cármen Lúcia, Gilmar Mendes et Rosa Weber ont voté contre le cadre temporel. Les ministres Nunes Marques et André Mendonça ont voté en faveur.

Ainsi, la démarcation des terres autochtones se fonde désormais sur la théorie de l’indigenato, thèse défendue par le MPF, selon laquelle les droits des peuples autochtones sur les terres qu’ils occupent traditionnellement sont originels, antérieurs à la création de l’État brésilien, et qu’il appartient à ce dernier seulement d’en délimiter et d’en déclarer les frontières. Cette approche met l’accent sur la relation essentielle des peuples autochtones à leurs territoires, indispensable à la préservation de leurs coutumes, modes de vie et ancestralité.

Le cadre temporel – La thèse du cadre temporel a émergé en 2009, lors du procès de l’affaire Raposa Serra do Sol (PET 3.338), dans l’État de Roraima. À cette époque, la STF avait établi comme condition pour la démarcation la présence autochtone sur le territoire revendiqué à la date de la promulgation de la Constitution fédérale, ou la preuve d’un conflit persistant de possession.

Pour le Procureur général de la République, Augusto Aras, il est nécessaire de considérer les cas où des peuples autochtones ont été expulsés violemment de leurs territoires, expliquant ainsi pourquoi ils ne les occupaient plus en 1988. Selon lui, fixer un cadre temporel de cette nature contredit les normes internationales relatives aux droits humains auxquelles le Brésil est signataire.

Indemnisation – Dans un précédent établi par le juge Alexandre de Moraes, la STF a prévu la possibilité d’indemniser les personnes ayant acquis des terres de bonne foi dans des zones ensuite reconnues comme autochtones. Les propriétaires titulaires de titres fonciers délivrés par l’État pourraient ainsi être indemnisés pour les améliorations réalisées et, selon le cas, pour la terre nue elle-même. La Cour doit encore définir les modalités exactes de cette indemnisation.

Projet de loi au Sénat – La question du cadre temporel est également débattue au Congrès national. Le projet de loi 2.903/2023, actuellement à l’étude au Sénat fédéral, traite de la reconnaissance, de la démarcation, de l’usage et de la gestion des terres autochtones, tout en limitant les droits des peuples autochtones à celles qu’ils occupaient le 5 octobre 1988. En outre, la proposition autoriserait l’exploitation minière et d’autres activités économiques à l’intérieur des territoires originels, selon le texte approuvé par la Chambre des députés à la fin du mois de mai.

Le MPF, dans des notes techniques adressées aux deux chambres législatives, a réitéré que l’approbation du projet consoliderait une série de violences historiques subies par les peuples autochtones. L’institution rappelle que les droits des peuples autochtones sur leurs territoires traditionnellement occupés constituent une clause constitutionnelle, faisant partie des droits et garanties fondamentaux qui ne peuvent même pas être modifiés par amendement constitutionnel.

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